Pathogénicité et conséquences

Pathogénicité et conséquences

Pathogénie et conséquences cliniques des infections transitoire et persistante

Infection horizontale

Le virus BVD pénètre dans les cellules épithéliales de la muqueuse oro-nasale, conjonctivale ou génitale. Il dissémine ensuite par virémie, libre dans le sang ou associé aux cellules mononucléées. Le virus se retrouve notamment au niveau de la muqueuse intestinale.

Le terme diarrhée contribue à la dénomination du virus pour des raisons historiques : il a été isolé pour la première fois lors de gastro-entérites contagieuses sur des bovins. A l’heure actuelle, les signes cliniques sont très variés et la forme digestive n’est de loin, pas la plus fréquente.

Infection du fœtus pendant la gestation

Chez la vache gravide, les souches nCP du BVDV possèdent un tropisme marqué pour l’appareil génital et le fœtus, à l’origine de divers troubles de la reproduction, tels que des anomalies du fonctionnement ovarien, une mortalité de l'embryon et du fœtus ou diverses malformations fœtales, ainsi qu'une morbidité et une mortalité néonatales. Les mécanismes de l’infection fœtale sont mal connus. Soit le virus se réplique de façon très intense dans l’endomètre maternel lors de la gestation et c’est à partir de ce réservoir que le virus infecterait secondairement le fœtus. Soit le virus serait transporté par voie sanguine intracellulaire jusqu’au fœtus. La contamination fœtale pourrait débuter 3 jours après inoculation maternelle et toucher un grand nombre d’organes fœtaux 10 jours après inoculation.

Lorsque l'infection a lieu avant l'installation de l'immunité fœtale, entre 30 et 125 jours, le virus peut être reconnu comme un antigène du soi par ce fœtus, lequel devient alors Infecté Persistant (ou Permanent) Immunotolérant (IPI). Le veau qui naît est donc virémique à vie et représente une source de contamination pour les autres membres du troupeau. Il ne développe pas de réponse immunitaire contre la souche qui l’a contaminé. Les IPI maintiennent ainsi le virus dans la population bovine. 

La contamination verticale du conceptus in utero est certainement la cause principale du coût économique de la maladie (voir impact économique). Elle joue également un rôle épidémiologique capital (voir épidémiologie)

Physiopathologie de la création des IPI : Lorsque l'infection a lieu avant l'installation de l'immunité fœtale, entre 30 et 125 jours, le virus peut être reconnu comme un antigène du soi par ce fœtus, lequel devient alors Infecté Persistant (ou Permanent) Immunotolérant (IPI). Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer ce processus d’infection persistante. La période à risque correspondrait à la période d’apparition des récepteurs viraux lors du développement des cellules fœtales. Cette phase de sensibilité du fœtus correspondrait aussi à la période pendant laquelle le système immunitaire spécifique du veau est encore non compétent tandis que cesse l’immunité maternelle et notamment l’immunité antivirale conférée par l’interféron t d’origine maternelle placentaire (effet jusqu’à 30 jours). Pendant cette fenêtre si la réponse immune adaptative du fœtus est incapable de se mettre en place, la réponse innée antivirale est, elle, active dès le début de la gestation, notamment via le système des interférons de type I (INF-I). Or les souches nCP possèdent des mécanismes qui permettent de limiter la réponse en INF-I des cellules, contrairement aux souches CP. Deux mécanismes sont mis en jeu : l’un par l’action de la protéine Npro qui cible la protéine cellulaire IRF3 et bloque la production d’INF-I ; l’autre par la protéine secrétée Erns qui a une action Rnase et qui limite la réponse des INF-I induite par les molécules ARN simple et double brins. Les souches CP produisent, elles, de très grandes quantités d’ARN viraux car leurs cycles de réplication sont amplifiés, contrairement aux souches nCP. La présence de grandes quantités d’ARN déborderait ainsi le système de régulation Erns, le tout dans un contexte fœtal particulier.

Conséquences cliniques

Infection transitoire

- Hors gestation

L'infection transitoire est, dans la grande majorité des cas, subclinique ou de faible gravité sauf pour certaines souches hypervirulentes et/ou en présence d’un agent de co-infection.

  • Troubles digestifs : certaines souches peuvent entrainer des épisodes diarrhéiques bénins chez l’adulte, voire rarement des formes de grippe intestinale  plus sévère d’évolution épizootique. Chez le veau nouveau-né, le BVDV est un des agents responsables d’entérites néonatales.
  • Syndrome hémorragique mortel : il est majoritairement dû à des souches très pathogènes (de BVD-1 comme de  BVDV-2), responsables de l’apparition d’hémorragies multifocales associée à des troubles de l’hémostase et de nombreux foyers hémorragiques à l’autopsie.
  • Troubles respiratoires : le BVDV agit en tant qu’agent favorisant les autres infections virales ou bactériennes, via son action immunosuppressive.

Chez le mâle, l'infection transitoire peut se traduire par une détérioration de la qualité du sperme dès sept jours après l'infection par une souche nCP. Ces altérations sont réversibles, mais il est nécessaire d'attendre plus de 80 jours pour observer une récupération significative. En plus de ces modifications du spermogramme, le virus BVD est présent dans le sperme de taureaux infectés, qu'ils soient IPI ou infectés de façon transitoire.

- En période de gestation

Les conséquences cliniques vont dépendre du stade de gestation au moment de l’infection  par le BVDV. L'infection par le virus BVD entraîne ainsi de nombreux troubles de la reproduction, tels que des anomalies du fonctionnement ovarien (croissance folliculaire, ovulation, fécondation), du développement embryonnaire puis fœtal, une mortalité de l'embryon et du fœtus ou diverses malformations fœtales, ainsi qu'une morbidité et une mortalité néonatales. Les troubles de la reproduction lors d'infection transitoire peuvent être consécutifs à une contamination du tractus génital, suite à l'insémination chez la femelle, mais ils apparaissent le plus fréquemment à la suite d'une contamination par voie nasale (aérosol) ou digestive.

  • Anomalies du fonctionnement ovarien : ovarite interstitielle diffuse, perturbation de la croissance folliculaire, perturbation de l'ovulation et de la formation du corps jaune d'où la baisse de l’intensité d'expression des chaleurs et de la réponse à la super ovulation.
  • Mortalité embryonnaire : effets délétères directs sur l'embryon, mais le développement embryonnaire peut également se trouver inhibé par un milieu utérin hostile. La mortalité de l'embryon peut être consécutive à l'infection de la mère par deux voies, oro-nasale ou intra-utérine (insémination avec du sperme contaminé, lors de miction d'un taureau en saillie naturelle ou lors d'auto-inoculation par l'urine de la vache lors de l'œstrus).
  • Avortements : le virus BVD n'induit pas seulement des avortements dans le premier trimestre de gestation. De nombreux avortements tardifs, jusqu'au troisième trimestre, lui sont également imputables. L'avortement a lieu entre neuf jours et trois mois après l'infection. Lorsqu'un troupeau est infecté, en raison des conséquences différentes de l'infection en fonction du stade de la gestation, l'éleveur observe d'abord les avortements, puis les anomalies du veau nouveau-né. Les dégâts peuvent être importants, jusqu'à 60% de pertes (avortements et mortalité néonatale) dans un troupeau. L'incidence des avortements est significativement supérieure dans les troupeaux qui viennent de s'infecter, avec un risque 2,6 fois plus important que dans les troupeaux témoins non infectés (séronégatifs) dans l'année qui suit l'introduction du virus et plus de onze fois supérieur au cours de la deuxième année.
  • Malformations : lorsque l'infection transplacentaire a lieu entre le 90e et le 150e jour, le virus BVD peut induire la destruction ou l'endommagement des cellules souches et diverses malformations du cerveau telles que l'hydrocéphalie, l'hydranencéphalie ou l'hypoplasie cérébelleuse (d'où ataxie), ainsi qu'une hypomyélinisation ou une dysmyélinisation. Ces anomalies se traduisent à la naissance par des veaux faibles, tremblants, incapables de se lever et de téter, ataxiques ou dont la posture est anormale. Des atteintes de la vision font également partie des malformations les plus répandues des fœtus infectés. Une autre cible principale du virus est le squelette entrainant une stature trapue et courte, des torticolis, des malformations faciales, de l’arthrogrypose. Certains présentent un pelage hirsute.
  • Mortalité néonatale : le BVDV est responsable d'un retard de croissance intra-utérine qui se manifeste à la naissance par un poids faible des veaux nés IPI, l’incapacité à se lever et se nourrir.

 

Infection persistante

50% des IPI meurent dans leur première année de vie. La plupart des IPI ont moins de 3 ans et seuls 7% d’entre eux atteignent l’âge adulte. 
L’IPI peut être peu viable (syndrome du veau faible), avoir un développement retardé (retard de croissance) ou souffrir de diverses surinfections. Cependant les animaux IPI ne sont pas systématiquement atteints de retards de croissance ou d'anomalies congénitales, il est donc possible qu'ils soient choisis comme taureaux reproducteurs. La qualité de leur semence est variable. Beaucoup présentent des semences de mauvaise qualité (faible motilité, faible concentration, nombreuses anomalies), tandis que d'autres ont des spermes apparemment normaux d'après les critères habituels du spermogramme.  De même, la fertilité des taureaux IPI varie selon les animaux. 
La maladie des muqueuses, stricto sensu, ne survient que chez un IPI (infecté permanent par une souche nCP), après mutation de la souche nCP qu’il héberge en souche CP ou après surinfection par une souche CP génétiquement proche mais pas forcément identique.

 

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